Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation d'Arthur Villeneuve

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 18 juin 2011


Avec une parfaite désinvolture à l’égard des moqueries de ses détracteurs, Arthur Villeneuve a troqué ses ciseaux de barbier contre les pinceaux. Il est devenu célèbre, sans trahir sa candide conviction de s’accomplir selon l’appel divin perçu à l’écoute d’un sermon sur la parabole des talents, tandis que les « istes » et les « logues » ne parvenaient pas à s’entendre sous quel « isme » le classer. Si l’art brut, tel que défini par Jean Dubuffet, consiste en une « opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions, donc de l’art où se manifeste la seule fonction de l’invention », l’art atypique de Villeneuve s’inscrit dans ce courant précurseur insoupçonné. Celui de l’art actuel qu’il proclame par son indifférence à l’égard des matériaux et de la technique, affirmant qu’avant toute chose, il s’agit de l’intensité ressentie dans l’acte de création.


« J’ai trop les yeux ouverts pour les avoir fermés. » Par ses mots, cités de nombreuses fois dans les multiples ouvrages, thèses, livres ou films le concernant, Villeneuve met à nu l’essence d’une démarche picturale qui orientera toute sa vie depuis ses premiers coups de pinceau sur les murs intérieurs et extérieurs de sa maison de la rue Taché.


Né à Chicoutimi le 4 janvier 1910 dans une famille ouvrière, Arthur Villeneuve a lutté pour gagner sa vie, avec les succès et les échecs, les expériences heureuses et douloureuses. Une troisième année scolaire dans ses bagages, il devient aide-cuisinier dans un camp de bûcherons, ouvrier à la Compagnie de pulpe, puis barbier à l’hôpital de Chicoutimi. Dans ses loisirs, il bricole des modèles réduits, dessine et brosse quelques toiles qu’il appelle ses « chef-d’oeuvrages ».


Père de trois enfants d’un premier mariage, veuf à 33 ans, il épouse Hélène Morin en 1945 : maîtresse femme qui le suivra jusqu’au bout, et avec verve, dans les temps sombres de l’incompréhension et des mesquines railleries comme dans les moments de gloire.

Bien que le style pictural du peintre barbier suscite curiosité et débats, tout commence vraiment en 1961, lors de sa première exposition à la Galerie Waddington de Montréal. Suivent : la réalisation du film Villeneuve, peintre-barbier, produit par l’ONF en 1965; le premier prix des Créateurs du Québec en 1971; les expositions au Musée des Beaux-Arts de Montréal, au Musée du Québec et à la Vancouver Art Gallery en 1972, année où il est reçu membre de l’Ordre du Canada. En 1988, une impressionnante rétrospective à la Place des Arts de Montréal confirme, malgré la persistante controverse, l’importance de ce peintre dans l’histoire de la peinture canadienne.


Sa maison, où il vit en famille avec Hélène et leurs quatre enfants, attire des milliers de visiteurs venant de tous les continents. Pourtant, c’est sous les quolibets, voire même le vandalisme, que de 1957 à 1959, il a consacré une centaine d’heures par semaine à couvrir les murs de sa demeure de personnages historiques, des quartiers de sa ville, de scènes bibliques, de bêtes surréalistes. Il n’épargne ni murs ni plafonds ni meubles de son style affranchi de toutes règles artistiques, joyeusement indiscipliné. En 1993, reconnue comme bien du patrimoine culturel québécois et comme trésor national par le gouvernement canadien, sa maison devient un des joyaux muséaux de La Pulperie de Chicoutimi qui l’abrite depuis novembre 1994.


Le peintre, désormais célèbre, décède le 24 mai 1990, laissant un patrimoine de plus de 6000 œuvres. Le centenaire de sa naissance a été célébré avec faste sous les étoiles du 26 août 2010, par un concert de l’Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Accompagnant la mezzo-soprano Huguette Tremblay et les Jeunes chanteurs de lensemble vocal du Conservatoire de musique de Saguenay, sous les bravos de 4000 personnes rassemblées au quartier du Bassin de Chicoutimi, 53 musiciens ont joué en première mondiale la composition originale de Jean-Pierre Bouchard : « Arthur, la peinture ».


Désarmant de certitude à l’égard de sa mission picturale, Arthur Villeneuve demeure un homme qui a su se respecter lui-même, un homme qui a préservé son intégrité et qui, écrit Raoul Duguay, a su « réinventer sa vie, se hisser à la hauteur de son rêve et déployer les ailes de sa liberté créatrice. »


Le 18 juin 2011

Arthur Villeneuve


Peintre au parcours exceptionnel

D’une intégrité exemplaire


fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet

à titre posthume


***

mercredi 24 août 2011

Arthur Villeneuve sur vidéo au Gala 2011

Quelques minutes pour se souvenir d'un grand moment

Gala 2011 de l'Ordre du Bleuet
Arthur Villeneuve

© Société de l’Ordre du Bleuet et Ariel Laforge